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Artec Eva aide à préserver un patrimoine culturel maya dans le cadre du projet Google Maya du British Museum

Artec Eva aide à préserver un patrimoine culturel maya dans le cadre du projet Google Maya du British Museum


Lorsqu’au XVIe siècle, l'évêque espagnol, Diego de Landa, ordonna à ses hommes à travers le Yucatan de brûler tous les livres et images mayas qu'ils pouvaient trouver, les qualifiant de « mensonges du diable », des siècles de philosophie et d'expression culturelle mayas furent perdus à jamais en quelques heures. Seuls quatre livres mayas ont survécu à sa colère ardente. Cependant, à des centaines de kilomètres de là se trouvaient des cités mayas abandonnées regorgeant de pyramides, de monuments et d'autres architectures gravées d'écritures mayas, également connues sous le nom de « glyphes ». Ce n'est qu'au cours des dernières décennies qu'une poignée d'érudits ont réussi à comprendre 90% de ce que les Mayas ont sculpté avec tant d’efforts dans la pierre, le bois, les ossements, le jade et les coquillages.

Ces glyphes racontent des histoires de naissances, de décès, de mariages, de guerres, de conquêtes, etc. Considérés comme un patrimoine culturel d’une valeur inestimable pour des millions de Mayas modernes et pour le monde entier, ces glyphes sont de plus en plus nombreux à devenir illisibles chaque année en raison des ravages des pluies acides pouvant atteindre des centaines voire des milliers de kilomètres. Selon le Dr Pablo Sanchez, biologiste au Centre d'études atmosphériques de l'Université nationale autonome du Mexique, « nous pourrions perdre toutes les inscriptions et écritures sur les stèles et les colonnes d'ici 100 ans. » Les spécialistes du patrimoine culturel ont cherché des solutions, jusqu'à présent sans succès.

Entre temps, le British Museum, en partenariat avec Google Arts & Culture, s'est lancé dans un projet passionnant visant à préserver et même rendre une partie de ce patrimoine culturel aux Mayas et au reste du monde. Pour ce faire, ils ont combiné les dernières technologies de scan 3D aux travaux du diplomate-explorateur du 19ème siècle, Alfred Maudslay. Ce dernier, avec une équipe de spécialistes enthousiastes et quatre tonnes de plâtre, s'est aventuré à travers l'Atlantique jusqu’au pays des Mayas. Sur place, en se servant de la technologie la plus fine de son époque, la photographie sur plaque sèche, de plâtre et de moules en papier mâché, ainsi que de son carnet de notes, il entreprit de préserver pour ses générations et les générations futures un nombre record du patrimoine artistique et architectural maya.

De retour en Angleterre, tous les travaux de Maudslay ont été amenés au South Kensington Museum (aujourd'hui le Victoria & Albert Museum). Les moules y ont été transformés en moulages hautement précis, figeant ainsi dans le temps des dizaines de monuments mayas très importants, tous leurs glyphes et leur iconographie, exactement comme ils ont été trouvés dans les années 1880, avant que les pluies acides ne commencent à les endommager.

Pour mettre en évidence la complexité du travail de Maudslay et de son équipe, l'archéologue et conservatrice du British Museum, Claudia Zehrt, explique :

« Un monument nécessitait entre 600 et 1000 segments de plâtre individuels. Ceux-ci devaient être reconstitués plus tard pour créer les moules finaux qui seront transportés vers l’Angleterre. Il s’agissait notamment de « négatifs » de monuments, capturant toutes leurs caractéristiques dans le plâtre ou le papier mâché. En Angleterre, les moules sont utilisés pour créer les moulages « positifs » que nous avons aujourd'hui. Ces moulages sont des répliques très précises des monuments originaux eux-mêmes, ce qui les rend parfaits pour une utilisation à des fins historiques. »

Le projet Google Maya exigeait la création de modèles 3D incroyablement réalistes et historiquement précis des moulages. Formée en photogrammétrie, une méthode de capture numérique très utilisée par les archéologues, Zehrt s’est rapidement rendu compte des difficultés à utiliser cette technique pour la collection de moulages de Maudslay. D’après elle, « En tout, il y a eu des centaines de moulages en plâtre, volumineux et très lourds, et qui posés sur des étagères basses, à 5 centimètres au-dessus du sol. Leurs dimensions varient de 90 x 105 cm à 240 x 275 cm, voire plus. Il faut plusieurs personnes pour les déplacer. De plus, ils sont assez fragiles. Beaucoup d'entre eux ne sont séparés que par une distance de 30 ou 40 cm. Cela a donc exclu la possibilité de recourir à la photogrammétrie, car nous n’avions pas assez de place pour filmer sous tous les angles nécessaires. Même si cela avait été faisable, compte tenu du long processus de configuration et de post-traitement que cela implique, cela nous aurait pris deux fois plus de temps qu'avec notre Artec Eva. »

Mis à sa disposition via Google, l'Artec Eva, un scanner 3D professionnel portable conçu pour scanner rapidement des objets de taille moyenne en 3D et en couleur haute résolution, était nouveau pour Zehrt. Malgré tout, elle l’a rapidement apprivoisé. Au début, le musée ne croyait pas que l'Artec Eva serait capable de capturer les moulages dans des conditions aussi exiguës, mais Zehrt n'est pas du genre à abandonner facilement. « Même dans les positions délicates dans lesquelles je me suis retrouvée à cause de l’exiguïté de l’espace, Eva a très bien scanné les moulages. Même si cela signifiait parfois monter Eva sur un monopode et le soulever, ou me contorsionner quand il n'y avait pas assez de place pour m'agenouiller, Eva a parfaitement scanné toutes les surfaces des moulages, y compris les entailles profondes des moulages, ce qui serait difficile même dans des conditions idéales. »

Elle explique en détail le processus de numérisation : « En moyenne, il fallait 10 minutes pour numériser chaque moulage. Les petits moulages étaient plus rapides à traiter, tandis que le scan de certaines des plus grosses pièces nécessitait 20 minutes ou plus. Cela dépendait également de la profondeur et de l'étroitesse des sculptures. En effet, il est plus difficile pour le scanner de saisir ces surfaces difficiles d'accès. Le processus aurait également été plus facile et plus rapide s'il y avait eu plus d'espace entre les moulages. L’espace disponible de 30 à 40 cm que j'avais a certainement ralenti les choses. Si les moulages avaient été autoportants, sans obstruction, je pourrais facilement les numériser en deux fois moins de temps. »

Zehrt poursuit en décrivant la suite de son travail de traitement des scans dans Artec Studio : « Mon workflow habituel commence avec l’alignement des scans des moulages en utilisant Global Registration, puis, j’utilise Sharp Fusion. Dans les rares cas où il y a un trou dans le scan, je choisis « Réparer le trou » pour le combler. Je réduis le nombre de triangles pour que le modèle 3D final à exporter avec la texture soit inférieur à 100 Mo, tout en m'assurant que la forme soit toujours correcte. Ensuite, j'exporte le modèle au format OBJ. En ce qui concerne la durée, après seulement 5 à 10 minutes de contribution de ma part, Artec Studio s'est occupé du reste du processus. J’ai été libre de partir pour faire d'autres travaux. Artec Studio s'occupe de l'essentiel du travail à votre place. »

La première étape qui a conduit au projet Google Maya consistait à créer un modèle 3D de la Quirigua Stela E (composée de 31 moulages individuels au total, et haute de 6,7 mètres). Il a été si précis et réaliste qu'il pourrait être utilisé à des fins éducatives et à des analyses iconographiques détaillées par des spécialistes Maya. Cette étape a été cruciale, car elle a démontré que le scan 3D avec Eva, associé au traitement dans Artec Studio, serait une solution rapide et efficace pour l'équipe de deux personnes de Zehrt qui devait numériser l'ensemble de la collection de plus de 400 moulages du projet en 3D couleur haute résolution.

Comme on peut le voir dans la vidéo suivante, où Stela E est présentée comme un objet de réalité virtuelle étudié par l'épigraphiste maya et professeur, Christophe Helmke, les résultats parlent d'eux-mêmes :

Zehrt partage quelques détails sur la Stèle E : « Nous savons maintenant que ce monument datant de l’an 771 après JC montre le roi maya de Quirigua, Kʼakʼ Tiliw Chan Yopaat, également connu sous le nom de Kawak Sky, en train de capturer et décapiter un autre roi maya, Waxaklajun Ub'aah K'awiil, aussi appelé Eighteen Rabbit, roi de Copan, une plus grande cité maya, qui avait en fait mis Kawak Sky sur le trône des années auparavant. Il y a un glyphe qui présente une hache en pierre pour la décapitation. Et sur le devant de la stèle, vous pouvez voir le roi victorieux (Kawak Sky) portant sa tenue de cérémonie, sa coiffure, ses bijoux, etc. Ce fut un événement énorme pour lui et son peuple, car cela signifiait leur affranchissement du pouvoir de Copan. Sans oublier que c'est un monument extrêmement intéressant. L'original pèse 65 tonnes et est l’équivalent d’un bâtiment à deux étages. »

Une étape ultérieure du projet concerne la création d'une réplique exacte fraisée CNC de l'escalier hiéroglyphique de Palenque pour une exposition à côté de l'escalier d'origine. Construit au VIIe siècle, l'escalier s'est considérablement détérioré depuis 1891, lorsque Maudslay l'a capturé en plâtre. Les détails historiques et les traductions de l'escalier sont disponibles ici.

Les moulages de l'escalier posaient des difficultés pour le scan 3D et la reconstruction numérique, comme l'explique Zehrt :

« L'escalier est composé de 12 moulages, qui ont tous été numérisés en 3D rapidement et facilement avec Eva. Toutefois, comme l’un des moulages était cassé et que certains détails manquaient, nous avons dû nous référer aux dessins et photographies originaux de Maudslay afin de le recréer numériquement dans son intégralité. Et nous avons réussi. »

C’est à ce moment-là que Zehrt s'est tournée vers l’ambassadeur Artec, Central Scanning, pour obtenir de l'aide dans la création du modèle 3D final de l'escalier. En effet, celui-ci nécessitait un raccordement 3D parfait aux jonctions entre les marches. Spécialiste du scan 3D et du traitement de données 3D, l’équipe de Central Scanning a réussi à assembler numériquement les scans dans Artec Studio 14, en une journée, et à les transformer en un modèle 3D unifié prêt pour le fraisage CNC en six panneaux séparés, afin de faciliter le transport.

Le modèle 3D de l'escalier a ensuite été envoyé à Pangolin Editions, où il a été fraisé CNC à partir de calcaire d'Ancaster, un calcaire oolitique du Jurassique moyen, en provenance du Lincolnshire, en Angleterre, qui est assez similaire au calcaire utilisé par les Mayas pour l'escalier d'origine. Pangolin Editions est une fonderie basée à Gloucester, en Angleterre. Elle est spécialisée dans la sculpture. La couleur légèrement différente de la réplique est intentionnelle, comme l'explique Zehrt : « Les restaurateurs du site veulent que les gens sachent qu'il s'agit d'une réplique et non de l'original. Les gens pourront s’en rapprocher et la toucher, glisser leurs doigts sur les glyphes et sentir cet incroyable trésor culturel. »

Après le fraisage CNC, l'escalier a été transporté par avion jusqu’à Palenque pour une exposition permanente à côté de l'original.

Les possibilités futures des modèles 3D des moulages comprennent des projets de recherche par les mayanistes et les universitaires du monde entier ainsi que des applications éducatives telles que des « excursions virtuelles » pour les salles de classe et les visiteurs des musées.

Pour reprendre les propos de Claudia Zehrt, « Nous ne faisons que commencer à découvrir ce que nous pouvons faire avec les scanners 3D et les modèles remarquables qu'ils peuvent créer vis-à-vis d'un patrimoine culturel inestimable du monde. Au-delà des avantages du scan 3D pour la recherche, ainsi que les incroyables possibilités qu’il offre en transformant ces objets en expositions de réalité virtuelle, il y a également une chose qui est toute aussi importante, voire plus importante. Il s’agit d’utiliser cette technologie pour rendre ces trésors aux gens, aux cultures qui les ont créés. Aujourd'hui, en utilisant un scanner 3D portable comme Artec Eva, je peux capturer numériquement en quelques minutes presque tout ce qui est exposé dans un musée, ou même les découvertes sur un site de fouille archéologique. »

Zehrt poursuit :

« Après avoir rapidement traité et transformé les scans en modèle 3D à l’aide d’Artec Studio, je l'envoie sur une imprimante 3D, ou dans le cas de l'escalier hiérarchique de Palenque, le faire fraiser dans du calcaire ou dans divers autres matériaux naturels, comme du bois, de la pierre, etc. Cela signifie que les musées du monde entier ont la possibilité de créer des répliques incroyablement réalistes de leurs artefacts. Les gens peuvent toucher ces copies et les tenir dans leurs mains. Nous n’avons jamais eu cette capacité auparavant. »

Grâce à Google Arts & Culture, le British Museum a rendu accessibles ses archives complètes de Maudslay, incluant des photographies, carnets, dessins et moulages scannés en 3D.